BLOG CULINAIRE LABELAURE

L’histoire de la ganache : une délicieuse erreur

L’histoire de la ganache : une délicieuse erreur

Les chocolats à Noël, c’est sacré. En ces périodes de fêtes, où le chocolat est dégusté à foison, renseignons-nous sur l’origine de ces petites douceurs, notamment de la ganache. D’origine française, cette petite merveille est apparue suite à un « accident » culinaire lorsqu’un confiseur aurait renversé de la crème dans une cuve de chocolat.

Cette « erreur » a donc mené à la création de nombreux desserts, tous plus gourmands les uns que les autres. Entre les truffes et le fameux Opéra, la ganache est indispensable à de nombreux entremets qu’elle rend encore plus savoureux. Bien que sa version originale soit composée de crème et de chocolat, ses dérivées peuvent même inclure des fruits ou autre, la rendant encore plus onctueuse.

Dans cet article, découvrez les moyens de fabrication de la ganache, ainsi qu’une belle recette de tartelettes au chocolat qui fera le bonheur de vos proches durant les fêtes.

CUISINE : LA GANACHE POUR LES TRUFFES

Par Stéphanie Noblet/ Le Monde

Elle est l’alpha et l’oméga du travail du chocolat. Conseils d’experts pour ne pas rater cet incontournable de la pâtisserie et régaler la galerie.

Les accidents, ou prétendus tels, nourrissent les légendes ­culinaires. Ainsi en est-il de la tarte cul par-dessus tête qui porte le nom des demoiselles Tatin : est-ce un oubli d’une des frangines étourdies qui l’a conduite à ajouter la pâte sur les pommes avant la cuisson ? Ou une manœuvre maladroite lors du démoulage ? Le critique culinaire Curnonsky (1872-1956) a fait monter la sauce et la cote de ce dessert solognot à Paris dans les années 1920, avant que les pommes confites et leur saveur ­caramélisée achèvent d’embobiner tous les gourmets, au point que nul ne se plaindrait aujourd’hui de la postérité de la recette – encore moins en période automnale, quand les pommes abondent.

Moins répandue, une autre légende court dans les écoles de pâtisserie, selon laquelle la ganache résulterait et tiendrait son nom d’une erreur, celle d’un apprenti confiseur ayant malencontreusement renversé de la crème dans une cuve de chocolat fondu. Le malhabile se serait fait traiter de « ganache », à savoir d’imbécile – une ­insulte issue de ce mot qui désigne, au sens propre, la mâchoire d’un cheval. Citée dans le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey (Le Robert, 1992), l’anecdote amusante y est considérée comme « probablement fictive », mais elle continue à régaler la galerie – bien moins cependant que la préparation onctueuse devenue incontournable dans le répertoire chocolatier.

Entremets, macarons, bûches et opéra

Avec panache, la ganache s’impose. Pour la réalisation de ­tartes, d’entremets ou de bûches, la confection de bonbons, de truffes, de macarons ou d’un grand classique comme l’opéra. Dans sa version simple, il ne s’agit que de chocolat fondu et mélangé à un liquide – le plus souvent de la crème, parfois du lait, de la pulpe de fruits… On peut y ajouter du miel (ou du sucre inverti) pour en améliorer la texture et la conservation, ou du beurre pour lui conférer un surcroît d’onctuosité et de brillance.

A ce stade, la recette demeure à la portée des pâtissiers amateurs. Mais comme la ganache est un peu l’alpha et l’oméga du travail du chocolat, elle donne lieu, aussi, à des degrés de sophistication supérieurs (ganache montée, infusée, composée, coulée…), à des créations professionnelles de haut vol, les fameux grands desserts pâtissiers, auxquels seuls les artisans de talent accèdent.

Humblement, tenons-nous en à l’étape première de la ganache – j’ai récemment révisé les bases en enfilant le tablier à l’Ecole gourmet de la Cité du chocolat Valrhona, à Tain-l’Hermitage (Drôme). Une évidence, pour commencer : on ne fait de bonne ganache qu’avec un chocolat de qualité, quels que soient le type (noir, au lait, blond ou blanc) et le pourcentage de cacao choisis. L’idéal est un chocolat dit « de couverture », plus riche en beurre de cacao que les tablettes ordinaires – facilement disponible en épicerie ou en vente en ligne et très pratique sous forme de pistoles (pastilles).

Côté crème, on ne s’égare pas dans les marécages allégés : la crème liquide entière s’impose, à 35 % de matière grasse. La proportion de liquide ajouté variant selon la teneur en cacao du chocolat (il en faut davantage avec un noir 70 % qu’avec un chocolat au lait ou blanc), on s’abstient aussi de bidouiller les recettes, l’affaire est précise !

Un petit détour par la chimie

Passons à la pratique, avec un petit détour par la chimie : la ­ganache est le résultat d’une émulsion, à savoir l’union de deux éléments non miscibles au naturel, tels l’huile et l’eau. Il y a donc une forme de défi jubilatoire dans cette entreprise aléatoire – comme avec la mayonnaise, la plus célèbre des émulsions en cuisine. Le principe de la ganache est pourtant celui d’une mayo à l’envers : ce n’est pas l’élément gras qui est incorporé, mais le plus aqueux des deux (oui, la crème, c’est de l’eau, ou presque, au regard du chocolat qui constitue l’élément gras).

Comment se donner toutes les chances de réussir cette émulsion ? D’abord en utilisant un chocolat déjà fondu, au bain-marie ou au four à micro-ondes, en procédant par de courtes sessions à 500 W maximum. Ensuite, en remisant le fouet au profit d’une maryse (spatule souple), qui évite d’incorporer de l’air dans la préparation. Enfin, et surtout, en introduisant en trois temps la crème chauffée (avec le miel éventuellement, mais sans la porter à franche ébullition). C’est la fameuse règle des trois tiers, théorisée il y a quelques années par Frédéric Bau, directeur de création chez Valrhona, et communément appliquée par les chocolatiers depuis.

Pas de panique si la ganache a un aspect granuleux peu engageant après le ­premier tiers : l’émulsion ne fait que commencer. On ne cesse de frictionner (puisqu’on ne fouette pas) avec la maryse et on ajoute sans tarder le deuxième lot de crème, pour voir apparaître un « noyau » élastique et brillant, avant d’incorporer le reste de crème. L’ensemble de l’opération se fait autour de 35 °C, les effluves chocolatés emplissent les narines, c’est déjà un régal.

Un dernier détail, pour un résultat de pro : introduire un mixeur plongeant en fin de recette permet de lisser les imperfections (voire de sauver une ganache qui a « tranché ») et d’obtenir une émulsion incomparablement lisse, brillante et onctueuse, qui va tendrement s’épaissir en refroidissant. La quintessence du chocolat est là, au naturel, séduisant l’œil avant d’enchanter les papilles… La ganache est une merveilleuse promesse de moustaches.

 

Voici une recette réalisée au cours d’un atelier gourmand à la Cité du Chocolat

RECETTE TARTELETTE TOUT CHOCOLAT

Pour la pâte sablée :

90 g de beurre mou

90 g de sucre glace

45 g de poudre d’amandes

45 g de farine

1 pincée de sel

½ gros œuf

10 g de farine

25 g de cacao en poudre

Pour la ganache :

250 g de chocolat noir 70 ou 75 %

30 cl de crème liquide entière

50 g de miel d’acacia

Préparez la pâte sablée au cacao : mélangez le beurre mou, le sucre glace, la poudre d’amandes, 45 g de farine, une pincée de sel et ½ gros œuf entier battu (35 g). Dès que le mélange est homogène, incorporez 110 g de farine supplémentaire et le cacao en poudre, sans trop pétrir. Etalez la pâte entre 2 feuilles de papier sulfurisé et réfrigérez 3 heures au moins. Préchauffez le four à 160 °C, foncez 6 moules à tartelettes avec la pâte et faites-les cuire à blanc 15 min ; sortez-les et laissez-les refroidir.


Préparez la ganache : faites fondre le chocolat noir 70 ou 75 % (si possible, Guanaja ou Tulakalum de Valrhona) au bain-marie. Faites chauffer la crème liquide entière et le miel d’acacia sans atteindre l’ébullition. Incorporez un tiers de ce mélange dans le chocolat fondu, en mélangeant énergiquement avec une maryse. Incorporez un deuxième tiers, mélangez, puis le reste de crème, sans cesser de remuer, de façon à obtenir une ganache lisse et soyeuse. Terminez en mixant avec un mixeur plongeant pour parfaire l’émulsion. Répartissez cette ganache sur les fonds de tarte. Placez-les au frais. Sortez-les à l’avance pour les déguster à température ambiante.

Partager